Sophie-Rose Morrissette
La série documentaire En Fugue, réalisée au Québec en 2019, illustre la réalité de jeunes fugueuses exploitées sexuellement. À son écoute, on comprend ce qui a mêlé ces jeunes filles à des réseaux de prostitution, leurs raisons d’y rester et les impacts que ces décisions ont eus sur leur vie et leur entourage.
Au cours des épisodes, on raconte l’histoire de trois adolescentes emprisonnées dans ce tourbillon. Elles vivent de constants dilemmes entre l’amour qu’elles portent pour leur proxénète, l’argent dont elles ont besoin, leurs familles ainsi que les violences physiques et mentales qu’elles subissent. En plus de nous donner accès aux témoignages de quelques fugueuses, ce documentaire nous offre aussi la perspective dramatique d’une mère qui recherche sa fille depuis plus d’un an, celle d’une enquêteuse du SPVM assignée pendant 10 ans à la recherche de gens disparus, mais également celle d’une ancienne victime d’exploitation sexuelle. Cela nous permet d’avoir une vision plus large de la situation, à laquelle il manque cependant un angle important, voire fondamental : celui des proxénètes. On regrette de ne pas avoir accès aux témoignages d’ex-exploiteurs afin de mieux comprendre leur parcours et ce qui les a poussés à agir ainsi. Quelles sont les motivations de ces hommes tentés d’exploiter les jeunes femmes qu’ils rencontrent ? Le documentaire nous amène rapidement à poser sur eux un regard sévère, ce qui empêche la pleine compréhension de cette réalité complexe. Malgré tout, grâce aux témoignages d’anciennes victimes, on comprend mieux la source de cette situation.
Cette série mériterait d’être présentée dans les cours d’éthique au secondaire. Elle permettrait aux jeunes d’être plus alertes face à ce genre de situation. Ce documentaire peut aider les victimes autant que leurs familles ou que des jeunes à risque de tomber dans ce genre de piège par amour de leur copain, qui cache peut-être un proxénète. Les jeunes ont besoin de voir ce qui peut arriver afin de comprendre les conséquences que leurs actes peuvent enclencher. Les parents, eux, pourraient être mieux outillés pour intervenir avec leur enfant si cela leur arrive et mieux comprendre ce qui se passe dans la tête de leur jeune afin de mieux réagir. Ces réseaux de prostitutions sont ancrés dans notre société, il faut savoir s’en protéger. Cette série documentaire pourrait peut-être être le premier pas vers la protection de ceux qu’on aime.
